1920-1938

1920

Jean Clément Boudou naît le 11 décembre 1920 à Crespin, un petit village rouergat situé sur le plateau du Ségala. Son père, Cyprien Boudou, est un paysan silencieux, aimé et craint à la fois. Sa mère, Albanie Balssa, lointaine parente d'Honoré de Balzac et conteuse d'exception, lui transmet le trésor de la littérature orale occitane. Cet univers fantastique des contes traditionnels, peuplé de dracons, de fadas et de trèvas, laisse une empreinte définitive sur l'enfant Boudou et l'oeuvre à venir.

1924

Naissance de Cyprien, son unique frère.

1926

Jean Boudou rentre à l'école primaire de Crespin. Il y découvre la langue française et l'ostracisme forcené de l'Education Nationale à l'égard des jeunes occitanophones. Le maître est l'ennemi de la langue d'Oc, langue affective de la maison, du travail et du pays. Les premières pages de La grava sul camin se feront l'écho de ce véritable choc des cultures.

1932

Il va au Cours Complémentaire de Naucelle. C'est au cours de cette période qu'il découvrira avec intérêt D'al brès a la tomba de l'Abbé Justin Bessou : poète populaire contemporain de Frédéric Mistral et figure tutélaire de la littérature occitane en Rouergue.
Élève d'une intelligence brillante, il se fait également remarquer de ses camarades et professeurs par ses singulières qualités d'orateur.

1935

Il écrit son tout premier poème intitulé Ouccitanho.

1937

Jean Boudou échoue au concours d'entrée à l'Ecole Normale. Il bénéficie d'un poste de surveillant qui lui permet de le repasser avec succès l'année suivante, et lui évite la perspective d'une reprise de la ferme familiale, avenir habituellement réservé aux aînés de famille en Rouergue. Cette tâche incombera à Cyprien, le frère cadet. Il devient à ce moment là conscient de ses talent de conteur et très avide de s'ouvrir au monde extérieur, aussi désireux de découvrir le monde des arts que celui de la politique.

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1938-1945

1938

Il entre à l'École Normale de Rodez, où Pierre Miramont et Julienne Séguret (la poétesse Calelhon, en littérature), lui font connaître l'oeuvre d'Henry Mouly, écrivain prolifique et fondateur du Grelh Roergàs, qui deviendra son maître et son ami jusqu'à la fin de ses jours. Jean Boudou a pour camarade de classe une certaine Denise Blanqui, fille de la dernière famille d'Enfarinats (catholiques réfractaires), qui lui inspirera pour partie son chef d'oeuvre Lo libre de Catòia. Il écrit des poèmes dont certains seront publiés en 1970 dans le recueil intitulé Res non val l'electrochòc.

1940

L'Armanac Roergàs publie plusieurs de ses poèmes, dont le nostalgique Velhado, qui sera remanié dans les années 1970. C'est à cette époque que Jean Boudou rencontre Henry Mouly, avec qui il échangera lettres, réflexions et manuscrits pendant près de trente ans.
Il passe le conseil de révision et effectue différents stages au lycée technique de Rodez, à Pau, à Saint-André de Najac...

1941

Il obtient son premier poste d'instituteur à Castanet près de Rieupeyroux, sur le plateau du Ségala, un poste qu'il quitte rapidement : Jean Boudou est en effet appelé à Anduze aux Chantiers de la Jeunesse Française, une institution voulue par le gouvernement de Vichy pour remplacer le service militaire obligatoire. Il publiera des souvenirs de cette époque trouble dans la revue Escòla e Terrador.

1942

À son retour du Camp de Jeunesse, il prend un nouveau poste d'instituteur à Durenque. Mais une fois de plus, il ne pourra pas s'y installer bien longtemps.

1943

Au titre du Service du Travail Obligatoire, Jean Boudou part en Allemagne. Il passera deux années à Breslau en Silésie, une déportation qui le marque au fer rouge. Il commence à travailler à un recueil de poèmes, Frescor de Viaur, auquel il fait allusion dans sa correspondance à Henry Mouly. Il écrit également L'Evangèli de Bertomieu. C'est un roman dont il ne reste - négligence de son éditeur d'alors - que quelques fragments, mais un cap d'òbra perdut, selon le mot de Robert Lafont.

1945

Jean Boudou est libéré par l'Armée Rouge. Ce sera le point de départ de son roman La grava sul camin.
Il fait partie de cette lost generation happée par le S.T.O., qui traverse comme un second exil les années d'après-guerre et leur nationalisme de circonstance.
Il reprend son poste à Durenque mais il n'est plus le jeune instituteur uniquement centré sur la littérature de ses amis félibres du Grelh Roergàs. Sa curiosité naturelle a décuplé : il a appris l'allemand, lit énormément, et semble plus que jamais être attiré par l'action.

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1946-1956

1946

Il se marie Camille Vidal, une jeune fille née dans un hameau près de Durenque, que sa famille avait destiné à la vie religieuse. Cette dernière souffre de troubles psychologiques difficilement décelables à l'époque, qui vont rapidement peser sur le quotidien du jeune couple. Il commence à écrire des chroniques pour le journal La Voix du Peuple, organe de presse de la fédération rouergate du P.C.F. Jusqu'en 1950, ce sont des revues locales qui impriment les poèmes ou textes de Joan Boudou : Le Rouergue Amicaliste, mais aussi et surtout La Revue du Rouergue.

1947

Naissance de Jeanine, l'aînée de ses six enfants.
Son père Cyprien décède le 12 mai 1947.
Il commence à rassembler des poèmes dont le titre du recueil devait être : Libre pel meu amic.

1948

Naissance d'une seconde fille, Evelyne.

1949

La famille Boudou s'installe au Mauron de Maleville, près de Villefranche de Rouergue
Naissance d'un fils : Jean-Paul.
Jean Boudou travaille à L'Evangèli de Bertomieu et à La Grava sul camin.

1951

De nombreux contes sont déjà écrits. Son premier recueil, Contes del meu ostal, est publié à compte d'auteur par l'imprimerie Salingardes à Villefranche de Rouergue.

1952

Jean Boudou rencontre Robert Lafont à Toulouse, ainsi que d'autres membres de l'Institut d'Etudes Occitanes. La découverte de cette sensibilité différente du félibrige ne s'y substitue cependant pas, elle s'y additionne. Il reprend l'écriture de La grava sul camin, dont Félix Castan publiera le premier chapitre dans la revue Òc.

1953

Jean Boudou réussit le Concours d'Instituteur Itinérant Agricole.
Naissance d'une troisième fille : Françoise.
L'imprimerie Salingardes diffuse Los contes dels Balssàs, son second recueil de contes, avec une adaptation française de l'auteur et des illustrations de Marius Valière. D'autre part, la revue Òc publie une nouvelle Lo pan de Froment. Il met en chantier La crotz de Tolosa, un projet de roman qu'il n'achèvera pas.

1954

Jean Boudou obtient le premier prix de prose aux Jeux Floraux du Félibrige à Toulouse pour Los contes dels Balssàs. Il est l'invité d'honneur de la Santo Estelo qui se déroule à Avignon. Ce voyage en Provence servira de matériau de base à La Santa Estela del Centenari.

1955

Jean Boudou et sa famille quittent le Mauron pour aller à Saint-Laurent d'Olt.
Les années passées à Saint-Laurent d'Olt sont difficiles. : le couple Boudou finira par se séparer.
Jean Boudou va de villages en villages pour enseigner.
Il participe activement à la vie locale et s'investit dans le militantisme occitan au sein de l'I.E.O. dont il sera président, sans toutefois cesser d'entretenir des relations suivies avec Henry Mouly et les membres du Grelh Roergàs.

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1956-1966

1956

L'Institut d'Etudes Occitanes édite La grava sul camin. La critique y voit la naissance d'un écrivain majeur de la littérature occitane contemporaine. Boudou devient le plus lu des auteurs de son temps, et La grava sul camin un succès d'édition.

1959

Naissance d'un second fils : Jacques.

1960

Naissance d'une quatrième fille : Nadine
La Santa Estela del Centenari paraît aux éditions Subervie, à Rodez.

1961

Il effectue un stage au lycée technique de Marmilhat près de Clermont-Ferrand. On retrouvera ces lieux trois ans plus tard, travestis en Marxilhat, dans Lo libre dels grands jorns.

1962

Jean Boudou prend part aux grandes grèves qui secouent le bassin houiller de Decazeville. Il écrit un magnifique poème de soutien aux mineurs grévistes de la faim, Los carbonièrs de La Sala.
En Rouergue, le public scolaire qui a choisi de suivre des cours d'Occitan découvre déjà l'originalité profonde de son écriture.

1963

Des extraits du Libre dels grands jorns sont publiés par Félix Castan dans la revue Òc.

1964

L'institut d'Etudes Occitanes publie Lo libre dels grands jorns dans son intégralité.

1965

Il commence un roman qu'il ne terminera pas, La fièira d'Octobre.
Entre 1964 et 1969, il collabore fréquemment au bulletin de la section aveyronnaise de l'Institut d'Etudes Occitanes, où il propose des sujets très variés : poèmes personnels, présentation d'oeuvres d'écrivains occitans du Rouergue, études sur les cathares ou la latinité.
Il envoie des textes à la revue Viure, et confie à l'Ase Negre certains contes qui figureront plus tard dans Los contes del Drac.
Il devient incontournable dans les présentations du paysage littéraire languedocien ou occitan sous la plume de Yves Rouquette, Henry Mouly, Fritz Peter Kirsch (Vienne, 1965) Jean-Baptiste Seguin.

1966

Camille Boudou s'installe à Clermont-Ferrand avec ses enfants.
Lo libre de Catòia est publié par les éditions Lo Libre Occitan à Lavit de Lomagne.
Pendant ces années-là, Jean Boudou met en chantier plusieurs romans qu'il abandonnera : L'acte, La Nouvelle Coopérative, Le progrès agricole en Aveyron.
Il écrit des poèmes qu'il a l'intention de rassembler sous le titre de La Talvera.

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1966-1969

1968

C'est à Clermont-Ferrand que Jean Boudou participe aux évènements de Mai 1968. Il est maintenant reconnu dans le monde occitan. Sa notoriété y est grande. Ses poèmes sont mis en musique par des artistes comme Mans de Breish ou Claude Marti, fers de lance de la nouvelle chanson occitane, et repris par le public.
Lo libre dels grands jorns et La grava sul camin qui sont deux de ses chefs-d'oeuvre, sont réédités par Lo libre Occitan.

1969

Il s'exile en Algérie avec la plupart de ses enfants pour des raisons essentiellement matérielles. Il obtient un poste d'instituteur au lycée agricole de l'Arbatach, dans la banlieue d'Alger. Là il découvrira les effets désastreux de la colonisation, et apprendra une nouvelle langue : l'arabe.
Sa santé commence à se dégrader. Il souffre de problèmes respiratoires dus à son hypertension, qui se manifestent par de fréquentes crises d'asthme.
Alors qu'il est loin de son pays et de ses lecteurs, il est de plus en plus raconté, lu avec de plus en plus d'intérêt et fréquemment cité. Les critiques Philippe Gardy et Fausta Garavini l'évoquent dans des revues littéraires italiennes.

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1969-1975

1970

Jean Boudou revient pour les vacances d'été en Rouergue. Il loue l'ancien presbytère du Vialar du Pas de Jaux, et de là se rend souvent à la Mòstra del Larzac, où il aime à rencontrer son ami Félix Castan et l'artiste peintre Marcelle Dullaut.
Dans la Nouvelle Histoire de la Littérature Occitane (1970), Robert Lafont et Christian Anatole consacrent plusieurs pages à Jean Boudou : son talent lui a permis de maîtriser le conte des veillées aussi bien que le roman fantastique, mais il est aussi, dans cette histoire de la littérature occitane, le poète de l'électrochoc : une allusion transparente au poète maudit Antonin Artaud, l'homme aux 58 électrochocs, qui fut interné à Rodez de 1943 à 1946.
Le recueil Res non val l'electrochòc est publié.

1972

De 1972 à 1975, Il écrit une chronique en français dans le journal Le progrès Saint-Affricain, où il aborde la plupart du temps des aspects divers de l'histoire occitane et de la littérature d'Oc.

1973

Jean Boudou prend part aux manifestations qui se déroulent sur le Larzac.

1974

Sa fille aînée Jeanine quite l'Algérie pour aller s'installer en Alsace avec ses frères, ses soeurs et sa mère. Jean Boudou reste seul à l'Arbatach. Il continue d'écrire des poèmes, marqués par la solitude et le doute, mais témoignant d'une certaine sensibilité à l'égard de la culture populaire arabe.
Son plus long roman, La Quimèra, est édité par l'Institut d'Etudes Occitanes : un roman historique et documenté dont les dernières pages s'achèvent en Algérie.
Il revient sur le Larzac en été et prend à nouveau part à la lutte antimilitariste. A cette occasion, le centre Pablo Neruda de Nîmes tourne un film documentaire sur lui, intitulé Bodon lo coneissètz ?

1975

Jean Boudou meurt à l'Arbatch dans le taxi qui le transportait à l'hôpital.
Cette année-là seront publiés L'anèl d'Aur, Los contes del Drac et le recueil de poèmes Sus la mar de las galèras.
Un des chapitres des Contes dels Balssàs intitulé Lo temps novèl donne lieu à une réalisation cinématographique par le C.A.L.E.R.. Y figurent notamment le prêtre-écrivain Jean Larzac dans le rôle de Jean Jaurès, ainsi que des habitants de villages du Rouergue et de l'Albigeois.

1976

Las Domaisèlas, le dernier roman inachevé, paraît. Il est publié par l'Institut d'Etudes Occitanes.

Nous tenons à remercier tout particulièrement Joëlle Ginestet, de l'université Toulouse-Le Mirail, à laquelle nous avons emprunté de larges extraits de la biographie de Jean Boudou établie par ses soins dans son ouvrage de référence : Jean Boudou, la force d'aimer.